La guerre dans le nord de l’Ethiopie a éclaté en novembre 2020, quand le Premier ministre Abiy Ahmed a envoyé l’armée fédérale au Tigré.
Le bilan est lourd. Au moins 750 civils ont été tués ou exécutés entre juillet et décembre 2021 dans deux régions du nord de l’Ethiopie où la guerre fait rage depuis 16 mois, selon un rapport publié vendredi par la Commission éthiopienne des droits humains (EHRC).
Cet organisme indépendant, mais rattaché au gouvernement éthiopien, a mené ses investigations dans les régions de l’Afar et de l’Amhara, où s’est propagé depuis juillet dernier le conflit qui a éclaté en novembre 2020 au Tigré voisin entre rebelles tigréens et forces pro-gouvernementales.
L’EHRC dit avoir « vérifié qu’au moins 403 civils sont morts et 309 ont subi des blessures (…) à la suite de tirs d’artillerie lourde, de raids aériens et d’attaques de drones ». Par ailleurs, « au moins 346 civils ont été victimes d’exécutions illégales et extrajudiciaires par les parties au conflit – principalement par les forces du Tigré », ajoute l’EHRC.
L’organisme accuse également les rebelles tigréens de « violences sexuelles et sexistes généralisées, cruelles et systématiques, notamment des viols collectifs contre des femmes d’âges différents, y compris des filles et des femmes âgées, dans certaines parties des régions Afar et Amhara sous leur contrôle ».
Il affirme qu’ils se sont aussi livrés « à des enlèvements et à des disparitions forcées d’une manière qui constitue des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ».
Des centaines de milliers de personnes au bord de la famine
Ce rapport est la suite de celui rédigé conjointement par l’EHRC et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits humains (HCDH) portant sur la période du 3 novembre 2020 au 28 juin 2021, qui évoquait déjà des violations dont certaines pouvaient « constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ». Sur cette période les troupes fédérales éthiopiennes et érythréennes, venues leur prêter main forte, sont accusées d’avoir commis la majorité des violences dénoncées.
Pour rappel, la guerre dans le nord de l’Ethiopie a éclaté en novembre 2020, quand le Premier ministre Abiy Ahmed a envoyé au Tigré l’armée fédérale destituer les autorités régionales dissidentes, issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF).
Les rebelles ont repris le contrôle de la quasi-totalité du Tigré en juin dernier, avant de progresser dans les régions de l’Amhara et de l’Afar puis de se rapprocher de la capitale Addis Abeba.
En décembre, le TPLF a annoncé son repli au Tigré, avant de lancer le mois suivant des opérations en Afar en réponse, affirme-t-il, à des attaques des forces progouvernementales contre ses positions.
Les plus de 16 mois de conflit, marqués par de nombreuses exactions, ont fait des milliers de morts, déplacé des millions de personnes et amené des centaines de milliers au bord de la famine, selon l’ONU.
Une situation « très tendue et imprévisible »
Lundi, la Haute-Commissaire de l’ONU aux droits humains, Michelle Bachelet, a affirmé que la situation en termes de droits et de sécurité s’était « significativement détériorée » dans le nord de l’Ethiopie ces derniers mois, affirmant notamment que plus de 300 civils avait été tués entre fin novembre et fin février dans des bombardements de l’aviation éthiopienne, principalement au Tigré mais aussi en Afar.
Des attaques contre des civils et des cibles civiles ont été également perpétrées par d’autres parties au conflit, dont les rebelles du TPLF, a-t-elle indiqué.
Selon le rapport de situation hebdomadaire du Bureau des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha) daté de jeudi, « la situation générale dans le nord de l’Ethiopie reste très tendue et imprévisible ».
« La situation dans certaines parties de la région de l’Afar continue de se détériorer avec des affrontements armés signalés » le long de la frontière avec le Tigré, détaille Ocha, en soulignant que les combats « continuent de bloquer la route Semera-Abala-Mekele », principal axe terrestre d’acheminement d’aide humanitaire vers le Tigré. Des « combats sporadiques » ont lieu également en Amhara, dans la zone frontalière.
Au Tigré, « les stocks d’aide et de carburant pour la réponse humanitaire dans la région sont presque entièrement épuisés », explique Ocha. De l’aide a été acheminée par trois vols, mais la distribution hors de Mekele est très limitée en raison de la pénurie de carburant dans la région. (Le Parisien)