Au Sénégal, un nouvel appel à manifester ce mercredi 29 juin a été lancé par la principale coalition de l’opposition, Yewwi Askan Wi. Le climat politique est tendu avant les élections législatives prévues le 31 juillet et suscite des inquiétudes.
Depuis plusieurs semaines, les déclarations et contre-déclarations politiques, parfois virulentes, se succèdent entre les principales coalitions du pouvoir et de l’opposition. Pour ces législatives, 165 sièges de députés sont en jeu. Une partie seront élus au scrutin majoritaire, sur les listes départementales, une autre au scrutin proportionnel, sur les listes nationales. Mais le Conseil constitutionnel a retoqué la liste nationale de titulaires de Yewwi Askan Wi. Dans le même temps, il a rejeté la liste nationale de suppléants de la coalition présidentielle, Benno Bokk Yaakaar, pour défaut de parité.
Point de départ : une erreur sur la liste de Yewwi Askan Wi
Yewwi Askan Wi reconnait une « faute d’inattention » dans la confection de la liste, où une même personne a été investie deux fois, en tant que titulaire et en tant que suppléante. Finalement, la liste de suppléants est validée, mais pas la liste de titulaires. Ousmane Sonko, maire de Ziguinchor, est donc écarté de la course. Une « provocation » selon lui.
Le 7 juin dernier, après la décision du Conseil constitutionnel, il s’en est pris aux sept sages. « Il y a des choses qu’on ne peut plus accepter dans ce pays. Au nom de l’exercice d’une profession, on se permet de piétiner la loi, de piétiner la Constitution, et de mettre le pays en insécurité. Parce que ce qu’ils ont fait, c’est une violation flagrante de la loi. Il n’y a plus de justice dans ce pays », déclare-t-il.
Ousmane Sonko était arrivé en troisième position à la dernière présidentielle de 2019. Il est candidat déclaré pour celle 2024. Visé par une plainte pour viol par Adji Sarr, ex-employée d’un salon de massage, il accuse le pouvoir de lui mettre des bâtons dans les roues par tous les moyens. Et cette fois, de l’empêcher de participer aux élections. Des accusations rejetées par les autorités.
« La loi est dure, mais c’est loi »
Interviewé sur notre antenne le 9 juin dernier, le président Macky Sall a affirmé s’en remettre au code électoral. « Si vous faites une liste qui ne respecte pas ce que dit la loi, elle est éliminée, tout simplement. Nous, on nous a éliminé notre liste nationale de suppléants, parce que simplement il y a eu une erreur de juxtaposition, même si elle était paritaire. Mais c’est la loi. Elle est dure, mais c’est la loi. »
Les deux principales forces politiques du pays campent sur leurs positions et s’accusent mutuellement d’attiser les tensions. Face à l’impasse, des responsables de la société civile et des représentants de chefs religieux ont multiplié les appels au dialogue. Des voix ont également appelé à reporter les législatives, pour reprendre le processus à zéro et ainsi prendre le temps d’organiser des élections apaisées. Mais pour Aminata Touré, ancienne Premier ministre et tête de liste nationale de la coalition au pouvoir Benno Bokk Yaakaar, les élections doivent se tenir le 31 juillet.
« Cette nouvelle forme d’exercice de la politique par la violence et par la force a été récemment introduite dans le champ par Yewwi (Askan Wi). La démocratie, ce n’est pas le droit pour moi tout seul, non ! Je pense que la démocratie sénégalaise est assez forte, assez ancrée. À l’approche des élections au Sénégal, le climat est toujours un peu bruyant, mais j’ai espoir que nous irons aux élections normalement », affirme-t-elle à RFI.
En toile de fond, le débat sur un éventuel troisième mandat
Ces législatives, c’est le dernier scrutin avant la prochaine présidentielle. Avec en toile de fond, le lancinant débat sur une éventuelle troisième candidature de Macky Sall en 2024, une question qui revient systématiquement dans les conversations politiques. Plusieurs fois interrogé sur cette question, le chef de l’État a toujours répondu « ni oui, ni non ».
L’opposition appelle ses partisans à rester mobilisés, les motifs de mécontentements se superposent. Les manifestants expriment des préoccupations sur la cherté de la vie, le chômage ou encore la mal gouvernance, et la contestation prend différentes formes : une manifestation autorisée de plusieurs milliers de personnes à Dakar le 8 juin, des rassemblements – cette fois interdits par les autorités administratives – le 17, ou encore un concert de casseroles et de sifflets le 22 juin, avant ce nouvel appel à la mobilisation ce mercredi 29.
Manifestations interdites et violences
Le 17 juin, des heurts entre manifestants et forces de l’ordre ont fait au moins trois morts, à Dakar et en Casamance, dans le sud du pays. Plusieurs responsables de l’opposition, dont les députés Déthié Fall et Mame Diarra Fam, ainsi qu’Ahmed Aïdara, nouveau maire de la ville de Guédiawaye, ont été arrêtés pour avoir bravé l’interdiction de manifester. Ils ont été libérés lundi 27 juin. Les autorités administratives avaient interdit les derniers rassemblements en raison de « menaces de troubles à l’ordre public », et de la « violation du code électoral », qui interdit toute « propagande déguisée » en période de pré-campagne.
Au milieu de ce bras de fer, les autres forces politiques tentent de faire entendre leur voix. Au total, huit listes ont été validées pour les législatives : la coalition Bokk Gis Gis / Liggey, la coalition Naataange askan wi, la coalition Alternative pour une Assemblée de Rupture, la coalition Benno Bokk Yaakaar, la coalition Bunt Bi, la coalition Les Serviteurs, la grande coalition Wallu Sénégal, et la coalition Yewwi Askan WI. La campagne officielle doit s’ouvrir le 10 juillet. (rfi.fr)