Pour gagner la bataille de Talataye du 6 septembre, l’Etat islamique au Sahel s’est joué de ses rivaux, dont la branche locale d’Al-Qaïda. Du 6 au 8 septembre 2022, l’Etat islamique au Sahel (EIS), anciennement appelé Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) a occupé Talataye, un village du cercle d’Ansongo, à 1283 kilomètres au nord-est de Bamako. Cette occupation éphémère fait suite à de violents combats qui ont opposé ce groupe jihadiste à son rival lié à Al-Qaïda au Maghreb islamique, le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM) ainsi que des mouvements touareg pro-gouvernementaux à l’Est et à l’Ouest de cette localité de la région de Gao, dans le nord du Mali. Dans le numéro 356 de sa revue hebdomadaire « Al Naba » (La Nouvelle, en arabe) paru la semaine dernière, l’Etat islamique est revenu sur cet assaut. Il décrit « une bataille féroce ayant éclaté de midi jusqu’au soir » entre les « soldats du Califat » et la « milice Al-Qaïda au Maghreb islamique à l’Ouest du village » et les « milices azawadiennes à l’Est ».
L’hebdomadaire de propagande affirme que plus de 60 membres « des milices d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique et de l’Azawad » ont été tués durant cette offensive. Un butin de guerre constitué d’armes et de munitions a été également exposé par le groupe jihadiste à la page 5 de sa revue. Cette opération est une preuve de la détérioration de la situation sécuritaire dans le Nord du Mali, confronté depuis une dizaine d’années à une insurrection jihadiste. Ces derniers mois, la filiale de l’Etat islamique au Sahel qui était censé être affaiblie après l’élimination de son fondateur, Adnan Abou Walid al-Sahraoui et plusieurs de ses lieutenants ainsi que la capture de certains de ses cadres par l’Opération de l’armée française Barkhane dans la région de Ménaka, reprend de l’influence sur le terrain. Début 2022, le groupe jihadiste a mené des attaques dans cette région, tuant plusieurs centaines de civils. Dans sa note trimestrielle du 1er janvier au 31 mars 2022, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) fait état d’affrontements armés entre des éléments du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) et du Groupe d’Autodéfense Imaghad et Alliés (Gatia) ou d’attaques contre les populations civiles dans plusieurs cercles d’Andéramboukane.
Suivant cette logique, l’EIS a attiré ses « frères ennemis » du GSIM avec lesquels il est en conflit depuis plusieurs mois dans la zone sahélienne, dans un traquenard lors de la bataille du 6 septembre dernier. Selon les informations d’APA, l’EIS a mis en place une stratégie de « désagrégement » du GSIM qui semblait en force depuis le dernier affrontement des deux groupes à Talataye. « Ils ont attiré le GSIM vers le nord-est de Ménaka, l’obligeant à envoyer une partie de son dispositif de Talataye constitué uniquement de locaux (des Touaregs daoussahak) vers cette zone », confie une source sécuritaire à APA. Selon la même source, c’est ce qui explique les affrontements du 26 août dernier entre les deux groupes armés à Tadjadod, au nord-est de Ménaka. Après cet affrontement au nord-est de Ménaka, poursuit notre source, l’EI a fait croire au GSIM qu’il se vengerait en attaquant Tidarmène et Tejerert. Les jihadistes affiliés à Aqmi sont tombés dans le panneau en déployant du personnel du nord-est de Ménaka vers Emis-Emis. Dans le même temps, l’EIS avait déjà décidé de rassembler ses hommes à Indélimane, un peu plus au sud de Talataye, où depuis le 4 septembre, une stratégie d’attaque a été arrêtée. Quarante-huit heures après, l’assaut est lancé au Sud, à l’Est et à l’Ouest de Talataye tenus par le GSIM, le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA-D, tendance daoussahak).
Les revers enregistrés par ces différents mouvements face à l’EIS s’expliquent par le fait qu’ils ne combattaient pas ensemble. L’armée malienne, elle, s’est contentée de vol de reconnaissance effectué par un SU-25 récemment acquis dans le cadre de sa coopération avec la Russie. Deux jours après avoir occupé le village de Talataye, les jihadistes de l’EIS qui ont perdu une vingtaine de combattants, se sont repliés à Indélimane, laissant derrière eux un village fantôme. (Journal du Cameroun)