Alors que les combats se poursuivent au Soudan pour la sixième journée consécutive, les dirigeants des Nations unies, de l’Union africaine, de la Ligue arabe et de l’organisation sous-régionale Igad, se sont réunis virtuellement ce jeudi 20 avril pour réclamer à nouveau un cessez-le-feu.
Alors que les musulmans s’apprêtent à célébrer l’Aïd el-Fitr, qui marque la fin du ramadan, Antonio Guterres fait d’un cessez-le-feu de trois jours une « priorité immédiate ». Objectif : « permettre aux civils piégés dans les zones de combat de fuir et de chercher de l’aide médicale, de la nourriture et d’autres provisions essentielles », a déclaré à la presse le secrétaire général des Nations unies après une réunion virtuelle notamment avec des responsables de l’Union africaine, de la Ligue arabe et de l’Union européenne. « Cela doit être la première étape pour permettre un répit dans les combats et ouvrir la voie à un cessez-le-feu permanent », a-t-il ajouté.
Interrogé sur l’échec des appels à parvenir à une trêve jusqu’à présent, Antonio Guterres a insisté sur le fait que « toutes les parties au conflit sont musulmanes » et sur ce « moment important du calendrier musulman ». « Je pense que c’est le bon moment pour qu’un cessez-le-feu puisse tenir », a-t-il estimé.
Une trêve « absolument cruciale »
« Nous sommes en contact avec les parties, nous pensons que c’est possible, mais tout le monde doit être uni pour mettre la pression pour que ce cessez-le-feu puisse avoir lieu », a ajouté le patron de l’ONU, jugeant cette trêve « absolument cruciale », des centaines de personnes ayant été tuées et blessées. « La cessation des hostilités doit être suivie par un dialogue sérieux pour permettre le succès d’une transition, à commencer par la nomination d’un gouvernement civil », a-t-il plaidé.
« Il est clair que des pays de la région sont impliqués dans ce conflit », explique une onusienne à RFI et « l’on veut qu’ils utilisent leur influence pour amener les parties à une trêve, plutôt que d’alimenter le conflit en fournissant des armes » poursuit cette source, alors que plusieurs médias font notamment état d’un soutien militaire de l’Égypte au général al-Burhan. « Nous plaidons pour une démilitarisation du conflit », abonde une autre source diplomatique.
Antonio Guterres mise donc sur la réussite de cette nouvelle demande de trêve, alors que les tentatives de médiations des organisations internationales et régionales sont très difficiles depuis le début du conflit. L’Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad) avait annoncé une visite de trois dirigeants de l’organisation sous-régionale à Khartoum : Ie Djiboutien Ismail Omar Guelleh, le Sud-Soudanais Salva Kiir et le Kényan William Rutto. Ils devaient amorcer une médiation, mais l’aéroport de la capitale soudanaise, encore bombardé hier, demeure fermé. Impossible pour eux, comme pour le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, de faire le déplacement.
Nous avons besoin de toute urgence d’une trêve humanitaire. Le nombre de personnes tuées est élevé et les opérations humanitaires sont sérieusement entravées. Les combats, les attaques contre les aéroports, et les autres infrastructures indispensables aux opérations humanitaires ont rendu les opérations pratiquement impossibles. Les véhicules, les entrepôts sont attaqués, pillés, dévalisés. Des cas de harcèlement et de violences sexuelles nous ont aussi été rapportés et cela nous préoccupe. Avant ces violences déjà, les besoins étaient très élevés… 15 millions de personnes environ ont besoin d’aide humanitaire au Soudan. Il faut que les gens aient accès à l’essence, à la nourriture, et aux autres bien de première nécessité pour eux et leur famille. Il faut que l’aide humanitaire puisse atteindre les millions de personnes qui en ont besoin.
Abdou Dieng, le coordonnateur humanitaire de l’ONU au Soudan
Florence Morice
Cet appel au cessez-le-feu a été prononcé alors qu’au sixième jour des combats, le bilan s’alourdit : au moins 330 civils ont été tués depuis samedi, selon l’Organisation mondiale de la Santé. Depuis mercredi, des milliers de personnes tentent de quitter Khartoum à pied ou en voiture pour se mettre à l’abri des combats en dehors de la capitale. Mais il y a aussi ceux qui sont bloqués dans le centre-ville, qui ne peuvent pas sortir de chez eux ou qui n’ont nul part où aller. Parmi ces personnes coincées, des réfugiés. Ils sont environ une centaine, des Congolais, des Burundais, des Éthiopiens qui veulent quitter le pays depuis longtemps mais n’ont pas de pays d’accueil.
Ce groupe de réfugiés a trouvé un abri précaire dans le sud de Khartoum, juste à côté d’une base des Forces de soutien rapide. Abubakar Issa Tabin, orginaire de la RDC, répond aux questions d’Alexandra Brangeon : « On tire devant nous. Des tirs lourds. Tout se passe devant nous, c’est très dangereux, pour les enfants et pour nous aussi. Les plus jeunes ne dorment pas bien, ils ont peur. Comment bien dormir avec des tirs de balles comme ça ? Des tirs lourds d’avions aussi. C’est très dangereux. Nous sommes en grand risque. Nous demandons des secours d’urgence. Et on n’a pas à manger depuis que la guerre a commencé. Il n’y a rien à acheter. On ne sort pas, on a fermé la route ».
De violents affrontements ont également eu lieu à El-Obeïd dans le centre du pays, mais aussi au Darfour. Entre 10 000 et 20 000 personnes ont fui les combats pour se réfugier au Tchad.
Des militaires américains dépêchés dans la région
Les États-Unis dépêchent par ailleurs des militaires dans la région du Soudan pour faciliter une éventuelle évacuation du personnel de leur ambassade, dans le contexte des combats entre l’armée soudanaise et les paramilitaires à Khartoum, a annoncé jeudi le Pentagone.
« Nous envoyons des forces supplémentaires dans la région pour sécuriser et faciliter l’éventuel départ du Soudan du personnel américain de l’ambassade, au cas où les circonstances l’imposeraient », a indiqué un communiqué du Pentagone, qui ne précise pas le pays ni le nombre de soldats impliqués.
Entre 10 000 à 20 000 personnes ont fui les combats en cours au Soudan pour trouver refuge au Tchad voisin, selon les équipes du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) présentes à la frontière.
La France demande à ses ressortissants de «rester confinés»
Les autorités françaises recommandent pour l’instant à leurs ressortissants de rester confinés chez eux. Une cellule de crise les soutient à distance, comme l’explique Anne-Claire Legendre, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, interrogée par Claire Fages : « J’ai évoqué plusieurs centaines de Français qui sont enregistrés au titre de notre communauté résidente au Soudan. À ce stade, au vu de l’évolution de la situation sur le terrain, nous leur demandons de rester confinés chez eux puisque les combats rendent dangereux toute circulation à Khartoum. Donc, le suivi, il est fait à distance à ce stade, mais quand je dis à distance c’est avec une proximité très forte puisque le Centre de crise et de soutien appelle individuellement nos ressortissants un par un pour faire en sorte qu’ils puissent être informés de l‘évolution de la situation et garder le contact avec nous, que nous puissions nous assurer de leur situation individuelle. Notre message à nos ressortissants aujourd’hui, c’est rester confiné, garder le contact avec l’ambassade et avec la cellule de crise. C’est dans ce cadre-là que nous travaillons aujourd’hui ». (Rfi.fr, Et et AFP)