samedi, mai 18, 2024
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Meurtre d’un joggeur noir aux USA. 1000 personnes convoquées pour former le jury qui jugera les trois accusés blancs

Y aurait-il eu un procès sans la poussée du mouvement Black lives matter ? Trois hommes blancs sont jugés à partir de ce lundi dans l’État américain de Géorgie pour le meurtre du jeune joggeur noir Ahmaud Arbery. Malgré les efforts de la justice locale pour étouffer l’affaire, la mort du jeune Ahmaud, un mois avant celle de George Floyd, avait scandalisé l’Amérique et alimenté les grandes manifestations antiracistes de l’été 2020. Âgé de 25 ans, il faisait tranquillement son jogging ce 23 février 2020, à Brunswick, quand il avait été pris en chasse par trois hommes.

Gregory McMichael, 65 ans, et son fils Travis, 35 ans, circulaient armés à bord d’un pick-up dans leur quartier de Satilla Shores, l’un de leurs voisins, William Bryan, 52 ans, les suivait en voiture en les filmant. Alors qu’il essayait d’intercepter le joggeur, fusil de chasse à la main, et que celui-ci se défendait, le jeune McMichael avait ouvert le feu et l’avait tué. Les trois hommes avaient ensuite assuré l’avoir pris pour un cambrioleur actif dans les environs qui venait « se pavaner » dans leur quartier et avaient invoqué une loi de Géorgie autorisant de simples citoyens à procéder à des arrestations. Cette loi, antérieure à la guerre civile américaine, a été abrogée en mai dernier.

Pendant près de trois mois, les services du procureur local, pour qui Gregory McMichael, un policier à la retraite, avait longtemps travaillé, n’avaient ordonné aucune interpellation.

Il avait fallu que l’avocat de la famille d’Ahmaud diffuse la vidéo du drame et qu’elle soit relayée massivement sur les réseaux sociaux début mai 2020 pour que l’enquête soit confiée à la police de l’État. Peu après, les trois hommes avaient été interpellés et inculpés pour « meurtre » et « fausse arrestation ».

Samedi, des dizaines de manifestants se sont rassemblés devant le palais de justice du comté de Glynn à Brunswick, pour demander justice. Les accusés ne font pas face à des accusations de crime de haine parce qu’au moment du meurtre d’Arbery, la Géorgie était l’un des quatre derniers États à ne pas disposer d’une telle loi.

Les accusés devraient plaider la légitime défense

L’audience doit commencer ce lundi par la sélection des jurés qui, compte tenu de l’extrême médiatisation du dossier, durera plusieurs jours. Confronté au défi de l’impartialité du jury, le greffier de la Cour supérieure du comté de Glynn a convoqué dix fois plus de personnes susceptibles de devenir juré. « Tant de gens connaissent les accusés ou la victime, ou savent quelque chose au sujet de l’affaire », a justifié auprès de l’Associated Press Ronald Adams.

1 000 habitants du comté de Glynn ont ainsi reçu une convocation, soit un sur 85. 600 d’entre elles doivent se présenter ce lundi matin dans un bâtiment annexe du palais de justice et présenter le questionnaire de trois pages qu’elles ont dû remplir, qui doit mesurer l’état de leurs connaissances du dossier et surtout déterminer si elles ont déjà une conviction sur le fond. Si les 12 jurés et leurs quatre suppléants ne peuvent être désignés parmi ces 600 personnes, 400 autres ont reçu la même convocation et le questionnaire, et devront se rendre à disposition de la justice à partir du 25 octobre.

Comme ils l’ont fait lors des leurs inculpations, les accusés devraient plaider la légitime défense, en soutenant qu’Ahmaud Arbery a résisté à une arrestation légitime. L’audience devra déterminer à quel moment les McMichael père et fils ont repéré Ahmaud Arbery et combien de temps ils l’ont suivi dans le but de l’intercepter, ce qui expliquerait pourquoi William Bryan filmait la scène avec son téléphone portable. Lors d’une audience préliminaire, il avait été dit que le jeune homme s’était arrêté sur le chantier d’une maison en construction, avant de reprendre sa route. De même, un doute persiste sur le moment où les tirs ont été effectués : sur la vidéo, on distingue un premier coup de fusil de chasse, touchant Arbery à la poitrine. Le jeune homme tente de s’enfuir mais il s’effondre. L’autopsie a révélé qu’il avait aussi reçu une balle dans le haut de la poitrine et dans le poignet droit.

« Lynchage des temps modernes »

Les procureurs devraient eux insister sur le fait que le jeune homme n’était pas armé et que rien ne le lie à une série de cambriolages ayant eu lieu dans le quartier où il courait. Lee Merritt et Benjamin Crump, les avocats de la famille Arbery, ont qualifié le meurtre de « lynchage des temps modernes ». Pour Crump, spécialiste des dossiers de violences policières, « si ces tueurs s’en sortent, cela voudrait dire que lyncher des hommes noirs en 2021 est sans conséquence ».

Lors de la mort du jeune homme, la Géorgie n’avait aucun dispositif légal pour prendre en compte les mobiles racistes. Pour pallier ce vide, la justice fédérale est intervenue et a inculpé les trois hommes de crime raciste. Ce volet fera l’objet d’un autre procès, devant un tribunal fédéral, en février.

La mère d’Ahmaud Arbery a déposé une plainte au civil et réclame un million de dollars de dédommagements. Elle vise les McMichael et M. Bryan, mais aussi des policiers et procureurs locaux accusés d’avoir voulu étouffer l’affaire.

Le mois dernier, l’une des procureurs locaux, Jackie Johnson, a été inculpée pour violation de son serment professionnel. Selon l’acte d’accusation, elle aurait « montré des faveurs et de l’affection » envers Gregory McMichael, qui a longtemps travaillé dans son service, et ordonné aux policiers chargés des investigations de ne procéder à aucune arrestation dans cette affaire. Après la diffusion de la vidéo, Johnson s’était récusée de l’affaire, et un autre procureur a inculpé les suspects du meurtre. Elle n’avait pas été réélue en novembre dernier. (Le Parisien)

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