mardi, avril 30, 2024
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LE DROIT, C’EST LA POLITIQUE : ESSAI D’ETUDE DES CONSTITUTIONS AFRICAINES

Après un demi-siècle de gouvernance indépendante, nos jeunes républiques sont sujettes à des interprétations de leurs constitutions qui procurent des tourments aux analystes les plus réputés et les plus avisés.

Une telle situation est en gestation permanente de conflits de tout genre qui conduisent à des violences et des guerres fratricides, mais aussi à des partitions de territoire dont nul ne peut prévoir les suites sociales et politiques pour les futures générations.

La constitution a pourtant pour vocation de cristalliser les rêves de vie commune, de cohésion et de projet de société de progrès dans tous les domaines d’activités créatrices de bien-être.

Comment donc le creuset des intentions collectives d’un groupement humain élaboré en principe de façon consensuel peut être à l’origine des plus horribles tragédies au méridien du Sahara ?

Une réponse intelligente doit être recherchée dans l’histoire et la pratique constitutionnelle dans nos contrées.

La charte de Kouloukanfouga est certes un repère lointain mais elle est loin d’avoir inspiré nos constituants qui ont puisé à volonté dans la conception occidentale de la constitution, selon la métropole, dont ils ont hérité du mode législatif.

Cette situation est le reflet de l’iter législatif adopté et des fora mis en place pour en assurer la pérennité et la continuité comme boussole de la conduite des affaires publiques.

C’est là justement que tout le problème réside selon le choix du ou des concepteurs et le mode de garantie du respect des normes élaborées après la mise en œuvre du protocole démocratique des nations modernes.

A savoir, la volonté commune, la participation de toutes les composantes sociales, le débat public et la publicité de la norme adoptée.

Ce protocole de la technique législative prétend régenter la manifestation de l’adhésion à la nouvelle loi.

Pourquoi, malgré tout, il y a de graves soucis de mise en œuvre ou d’interprétation ?

1- Un choix du ou des concepteurs

Les pays anciennement colonies britanniques ont recours au « law office » même si « des hommes de l’art » sont aussi sollicités pour élaborer le texte majeur.

Il n’y a pas dans l’histoire récente de ces pays des conflits interminables relevant de la mise en œuvre de leurs constitutions.

C’est singulièrement dans les pays francophones que cette propension morbide est persistante.

La première cause réside dans le choix du ou des concepteurs.

Il n’est pas rare que le rédacteur unique soit un juriste, bien qu’éminent, proche du pouvoir.

Lorsque le choix se porte sur plusieurs, les personnes choisies ne sont pas forcément des techniciens dans l’élaboration de texte législatif. De plus, même si ce sont des juristes aux qualifications notoirement établies, leur spécialité est différente de la matière objet de la constitution.

Sans compter la présence de politiques sans expertise, ni expérience du sujet qui polluent la sérénité du travail à accomplir.

Nos dirigeants négligent souvent la dimension technique dans la mission du concepteur. En effet, être titulaire d’un diplôme de droit ne fait pas de vous ipso facto un constitutionnaliste avéré. Ainsi, un expert en droit pénal, droit civil ou droit public, peut être sous l’influence de sa pratique habituelle au moment de l’analyse des normes.

La constitution prend en compte, il est vrai, tous les aspects de la vie en société, mais l’agencement des prérogatives et des intérêts exige un prérequis indispensable à la cohérence des problèmes appréhendés dans leur acception sociale, politique, culturelle, économique, religieuse, législative, administrative sans énonciation exhaustive.

La conséquence principale conduit à la production d’un texte législatif à interprétation multiple, contenant des contradictions et des problèmes polysémiques de sémantique qui le rendent  outrageusement confligène.

L’autre aspect de la cause qui oblige l’analyste à restituer au débat la cohérence du travail juridique querelle est la portée du rôle de l’organe de contrôle

2- Le contrôle de constitutionnalité

Les textes constitutionnels comme toute loi doivent subir un contrôle de conformité avant promulgation. La Cour Constitutionnelle aurait dû être le centre de prévention des conflits d’interprétations par l’adoption d’une démarche didactique de la part de la haute assemblée.

A titre d’illustration, le débat orageux actuel sur le 3è mandat de certains chefs d’Etat aurait été circonscrit si les « contrôleurs » avaient pris l’initiative de relever le caractère manifestement incomplet ou confus de certaines dispositions. En particulier, celle relative à la durée du mandat et son éventuel renouvellement.

Et de prendre la résolution courageuse de rejeter tout texte qui contiendrait des germes de conflits futurs.

L’expérience, l’expertise et la confiance dont ils sont en théorie investis leur donne cette prérogative.

Mais là aussi la question de la neutralité des contrôleurs est lancinante.

Leur abstention de faire coïncider la volonté de rigueur avec la démarche didactique est une autre cause des conflits actuels

Mais c’est seulement une parmi d’autres. En effet, le comportement de la frange de la société qui s’est qualifiée de société civile est une circonstance aggravante

Le grave déficit de confiance en soi et de courage contribue à exacerber un débat qui ne devrait jamais s’éloigner du banal échange d’idées et de compréhension d’une interprétation divergente sur un même sujet.

Les volontés de faire avancer la réflexion sont infiltrées par des influences pas toujours guidées par l’intérêt collectif. Sans compter les tendances à politiser tout ce qui touche à la gouvernance.

A la place de propositions constructives, ce sont invectives et critiques crypto-personnelles qui constituent la trame de discours parfois opaques et démobilisants.

Toute chose qui fait le lit d’ambitions politiques inavouables.

3- Le rôle de la classe politique

La classe politique est dans son rôle. Tant que le pouvoir est aux mains de l’adversaire tous les moyens sont bons pour le discréditer. De sorte que l’occasion des débats préliminaires à l’adoption des lois n’est pas mise à profit pour créer un cadre législatif cohérent et stable pour le futur. C’est comme si une cécité improbable s’emparait des uns et des autres lors de l’examen des textes. Les enjeux politiques et les clivages partisans anéantissant tout bon sens et toute capacité de se projeter vers l’avenir. La suite est connue. Les précautions minimales qui pourraient prévenir des situations comme celles que nous vivons actuellement, sont noyées dans l’océan des majorités écrasantes dans les commissions parlementaires et les sessions plénières.

Sans oublier la tendance à impliquer les puissances étrangères à la résolution d’un problème qui devrait être exclusivement une affaire interne  relevant de la souveraineté.

4- Quid du débat actuel sur le « 3è mandat » ?

Une littérature abondante et riche est en cours dans quelques pays. Une inflorescence d’analyses pas toujours exemptes d’errements jalonnent le quotidien des journaux et obscurcit volontairement la compréhension déjà très médiocre du profane.

De quoi est-il question ?

La loi dispose pour l’avenir : principe général de droit incontestable et incontesté.

Sauf si la même loi prévoit expressément que ses dispositions s’appliquent également à certaines situations antérieures à sa mise en œuvre. Si tel n’est pas le cas, il est vain  de convoquer la morale, l’éthique et l’esprit de la loi pour convaincre le Juge constitutionnel de rejeter la candidature de prétendants au scrutin visé sous l’égide de la nouvelle loi.

Et le juge constitutionnel statuera ce que de droit en constatant que la constitution n’a pas prévu la prise en compte de la loi abrogée, dans ses dispositions objet du litige. Pourtant, une telle circonstance consacrerait, clairement, la rupture du contrat social et l’organisation des relations entre le droit et le pouvoir socle de toute constitution libérale.

C’est au moment de l’élaboration du texte que les sachants auraient dû prendre les précautions et vider la future norme de toute forme d’ambiguïté.

Autrement, seul le bénéficiaire de la confusion détient la solution au problème. Le doute profitera toujours au plaideur accusé. C’est connu.

Il est aisé de donner à croire que la défaillance de la norme a été volontairement suscitée. Il en va ainsi parce que le droit, c’est la politique. En effet, le parlement qui crée les lois fonctionne selon les règles de la majorité des votes. Chaque groupement politique fait voter les lois qui concordent avec ses intentions et les promesses faites aux électeurs. C’est dans les urnes que se trouve donc la solution, la seule qui soit démocratique. Elle n’est pas dans la rue ni au bout du canon.

Dans chacun des pays, en effervescence, la nouvelle constitution ne prévoit aucune restriction ou interdiction, expresse, à une éventuelle velléité de candidature des présidents en exercice.

Que faire ?

La violence appelle la violence. Les destructions seront réparées avec le dernier collectif. Il faut également noter, pour le déplorer, que ceux qui battent le pavé ne profiteront pas du gain politique et pécuniaire du succès des actions entreprises.

Le dialogue et la patience seuls doivent être le moyen de résoudre ce problème récurrent.

L’économie d’une nouvelle guerre, alors que celle contre la Covid-19 n’est pas encore gagnée, est à ce prix.

Se battre pour la paix par le dialogue et la concertation est plus valorisant que créer les conditions d’un conflit fratricide aux conséquences imprévisibles.

C’est certain et actuel que : « c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix ».

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